Le volontariat parlementaire: une alternative à explorer en période de transition politique.

Le volontariat parlementaire: une alternative à explorer en période de transition politique.

Par Fatimata LY, Criminologue, spécialiste en Citoyenneté, Gouvernance et Management public. Co-fondatrice de Nazari Think-Tank.

Depuis l’installation du parlementarisme moderne en Afrique Noire Francophone en 1946, la structure parlementaire des pays a été fonction d’un régime politique d’importation (présidentiel, semi présidentiel, parlementaire…) et même de la langue officielle ou de travail. Ce sont là des facteurs qui ont influencé l’installation du parlement, organe législatif.

En Afrique de l’ouest, la majorité des pays de la zone dispose d’un système parlementaire monocaméral. Seuls 3 pays sur les 15 ont un système parlementaire bicaméral c'est-à-dire un parlement à deux (2) chambres (Depuis l’installation du parlementarisme moderne en Afrique Noire Francophone en 1946, la structure parlementaire des pays a été fonction d’un régime politique d’importation (présidentiel, semi présidentiel, parlementaire…) et même de la langue officielle ou de travail. Ce sont là des facteurs qui ont influencé l’installation du parlement, organe législatif. En Afrique de l’ouest, la majorité des pays de la zone dispose d’un système parlementaire monocaméral. Seuls 3 pays sur les 15 ont un système parlementaire bicaméral c'est-à-dire un parlement à deux (2) chambres (ipu).

Si l’on revient au cas d’un système politique transitoire, le parlement prend l'appellation de “Assemblée parlementaire de la transition” comme au Burkina Faso, “Conseil National de la Transition” comme le cas du Mali et Conseil Consultatif National (CCN) dont la mise en place est prévue au Niger. Ces pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont tous un système parlementaire monocamérale. Celui-ci comporte une seule chambre appelée l’Assemblée nationale. La création du Parlement de transition illustre que l’état d’exception, paradoxalement, n’est pas tant exceptionnel. Bien que la crise politique découle d’une crise du droit, conduisant à une mise en retrait de ce dernier, le droit ne disparaît pas pour autant : il change simplement de forme. Même en cas d’abrogation de la Constitution, l’État reste « toujours régi par le droit »( Michel Troper).

En période de transition, les Constitutions intérimaires permettent de préserver la continuité du droit au sein de l’État, tout en favorisant l’établissement d’institutions de transition, en l’occurrence le parlement. Les constitutions de transition remplissent une fonction dite constitutive dans le sens où elles instaurent un ordre juridique provisoire accompagné d’un cadre institutionnel, permettant à l’État de continuer à fonctionner en période de crise (Perlo Nicoleta). Elles assurent également la continuité de l’État tout en préparant l’émergence d’une nouvelle période politique et institutionnelle. C’est dans ce contexte que se situe la création du Parlement de transition, généralement mis en place après la suppression ou la dissolution du Parlement dit ordinaire en vigueur lors de la crise. Face à l’importance de cette institution, une question essentielle se pose : qu’est-ce qui caractérise spécifiquement le fonctionnement du Parlement de transition? Une telle réflexion mérite une attention particulière.

Pour le cas du Niger, dont il est question dans cette présente note, à la suite du coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023, Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) à pris l’ordonnance n°2023-02 du 28 juillet 2023, portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition. Cette ordonnance a prévu la mise en place des institutions chargées de garantir le fonctionnement de la transition. Cependant, parmi les institutions prévues par la charte de la transition, seuls le CNSP et la Cour d’Etat sont fonctionnels. Les autres organes de la transition tels que L’Observatoire Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (ONDHLF), L’Observatoire National de la Communication (ONC) et le Conseil Consultatif National (CCN) qui fait office de parlement de transition tardent à être installés. En effet, dans les pratiques des transitions militaires au Niger, ces institutions sont automatiquement installées quelques mois après l’adoption de l’ordonnance afin de garantir un meilleur fonctionnement des pouvoirs (Kader Namata Issa, dans: Le tirage au sort, une alternative pour la mise en place du parlement de transition ? Nazari Think-Tank).

La considération du Parlement de transition suppose que l’on ne soit pas dans un régime constitutionnel ordinaire, mais plutôt en régime de transition constitutionnelle. Car dans la littérature constitutionnelle, le parlement représente une institution “représentative” exerçant la souveraineté nationale de par sa composition et “ délibérative” du point de vue de son mode de travail. En période transitoire, l’installation du parlement peut se buter à diverses contraintes allant de la crédibilité de l’institution à son indépendance. Ainsi sa mise en place peut s’avérer délicate.  Mais, comment parvenir à installer une si importante institution dans un contexte de transition? 

Le choix n’est pas quasi systématique, il doit être réfléchi. La configuration se veut être spécifique avec une composition hétérogène. Le caractère du parlement peut être soit une fonction politique (ce qui constitue l’option dominante dans les pays africains), soit une fonction volontaire (comme le cas en Chine). Il aura la nature d’une institution qui regroupe l’ensemble des corps sociaux. Cet état de choses est consécutif à la minoration du suffrage universel puisqu’il ne s’agit plus d’affirmer la participation d’un électeur à une consultation électorale. Il se traduit plutôt par la composition inclusive, dont la représentation change du point de vue organique, car ce sont les parties prenantes qui sont représentées et qui siègent au nom du peuple et pour l’intérêt national. 

Dans un tel contexte, comment procède-t-on pour doter l’institution parlementaire des membres qui vont lui permettre de jouer son rôle? C’est là que la fonction de “volontariat parlementaire” apparaît comme alternative pour la mise en place du parlement de transition. Dans ce cas, la fonction est considérée comme un service volontaire du citoyen vis à vis de sa patrie et de son peuple. Le parlementaire devient un citoyen en service de volontariat national. Par conséquent, il n'attendra aucune rémunération ou avantage pécunier de la part de l’Etat. 

Pour rappel, au Niger la fonction d’un député national est assimilée à un statut de bourgeois, là où il doit normalement assurer la promotion, la défense et la protection des droits des citoyens dans la conscience collective. Cette faible valeur ajoutée des parlementaires s’accompagne de cumuls de pensions (celle de député et celle de la fonction publique). L’argent, l’ethnie, la région ont été les critères essentiels pour être élu. Si le mandat est bénévole, ils ne seront pas au cœur de la politique. Il faut faire du mandat de député une fonction volontaire, comme le cas de la Chine: le député a son travail, sa fonction et participe aux sessions à l’Assemblée. Ainsi, avoir un travail ou une source de revenus doit être une condition et une exigence pour être député (Rapport du du Forum National Inclusif de la Diaspora Nigérienne au Mali, Octobre 2024).

 Le concept de "volontariat parlementaire" en tant que tel n'est pas largement documenté ou institutionnalisé à l'échelle internationale. Néanmoins il est envisageable du point de vue juridique, et, si l’on part du principe constitutionnel ayant régi toutes les républiques antérieures qui concèdent pour tout citoyen “le devoir de travailler pour le bien commun, de remplir toutes ses obligations civiques”. Dans cet ordre d’idée, le volontaire parlementaire peut être appliqué pour mobiliser et installer le parlement de transition.

Les volontaires parlementaires apporteront leur expertise aux processus législatifs et la gouvernance. Ils deviennent une force de soutien pour la mise en œuvre de politiques publiques y compris, les actions en lien avec les institutions parlementaires et contribuent au renforcement des institutions de l’Etat. Par contre, l'enthousiasme pour « la chose parlementaire » ne doit pas nous éblouir. L’approche serait d’inclure le soutien au développement des capacités des parlementaires  afin qu’ils assurent la gestion des attentes de la population, le renforcement des institutions et la promotion de la participation citoyenne… .  Cette option permettra d’assurer la légitimité et la neutralité des parlementaires dans la gestion et le contrôle de la chose publique. 

L’option de volontariat répondrait aussi à la minimisation du clientélisme politique des parlementaires ainsi que des convoitises pécuniaires liées à des motivations peu conformes aux intérêts du peuple (exemple de la loi n° 2011-12 du 27 juin 2011 portant sur les indemnités et avantages qui seront alloués aux députés au Niger). C’est dire que la mise place d’un tel concept fera appelle à l’adoption des cadres et des méthodologies pouvant inspirer la durabilité de l’initiative. D’où la nécessité de réforme du statut du député national. Le volontariat parlementaire présente alors plusieurs avantages significatifs, notamment le renforcement des capacités institutionnelles et une meilleure participation citoyenne. En période de transition politique, les volontaires peuvent apporter un soutien technique et administratif à la fonction parlementaire, compensant le manque de ressources.

Ce concept favorise également un lien direct entre les institutions parlementaires et la population, renforçant ainsi la transparence et la légitimité des processus démocratiques. De plus, il offre une opportunité aux experts, professionnels et jeunes diplômés de s'engager activement dans la vie publique, leur permettant d’acquérir une expérience précieuse et de stimuler l’intérêt pour les enjeux de gouvernance. Enfin, il constitue une alternative économique en réduisant les coûts institutionnels, tout en améliorant l’efficacité et la viabilité des processus parlementaires.  

Cependant, plusieurs défis doivent être anticipés pour garantir le succès de cette initiative. Le principal risque réside dans l'absence d’un cadre juridique clair, encadrant leurs responsabilités et leurs droits, ce qui pourrait entraîner des abus ou des malentendus. Par ailleurs, la réussite d’une telle option repose sur une formation et un encadrement solides, nécessitant un appui technique significatif. 

Le volontariat parlementaire représente certes une innovation prometteuse pour renforcer la légitimité et l’efficacité des parlements en période de transition politique.Encore faudrait-il faire attention pour que le parlement de la transition ne soit pas une chambre d’enregistrement, instituée pour avaliser les décisions gouvernementales ou présidentielles (Télesphore Ondo, dans Splendeurs et misères du parlementarisme en Afrique noire francophone). 

L'on dira toutefois que son succès dépendra de la mise en place de cadres clairs, d’un soutien institutionnel et d’un suivi rigoureux pour surmonter les défis potentiels. Enfin, pour assurer la durabilité de cette initiative, il est crucial de mobiliser les ressources adaptées, de créer des mécanismes institutionnels solides, garantissant sa pérennité au-delà des périodes de transition. 

Muyi nazari!  

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